Miviludes : un statut sur mesure pour discriminer impunément les minorités religieuses


26 oct., 2011
 Aucun    Europe

En France, l'Assemblée nationale a adopté le 18 octobre 2011 une proposition de loi visant, selon le député qui en est l'initiateur, Jean-Luc Warsmann, à simplifier le droit des entreprises.


brassardnoir_tbn.jpg Brassardnoir En France, l'Assemblée nationale a adopté le 18 octobre 2011 une proposition de loi visant, selon le député qui en est l'initiateur, Jean-Luc Warsmann, à simplifier le droit des entreprises. Derrière ce texte, se cache un article, rajouté en catimini et voté à l'initiative du député, Philippe Vuilque, visant à empêcher tout recours juridique contre les membres de la mission interministérielle de lutte et de vigilance contre les dérives sectaires (Miviludes) en raison des « opinions qu'ils émettent dans leur rapport annuel ». Ainsi, en cas de propos mensongers, diffamatoires aucune poursuite, aucune action judiciaire ne sera possible.

Ce texte rappelle les pages les plus noires de l'histoire de l'humanité. En effet, une des premières mesures prises sous le régime Vichy a été d'empêcher les victimes de propos antisémites d'exercer des poursuites en cas de diffamation et d'insultes et d'amnistier les personnes qui étaient poursuivies pour de tels faits (Loi du 27 aout 1940).

Les Raëliens, profondément attachés à défendre les libertés fondamentales, interpellent les sénateurs français qui doivent à leur tour en débattre.

Lettre envoyée à Y.Rome, C.Cayeux, L.Rossignol,P.Marini, sénateurs de l'Oise
par Lisiane Fricotté, Raëlienne, juriste en droits de l'Homme et libertés publiques

"Monsieur le sénateur,

Permettez- moi de solliciter votre attention et de vous adresser ce courrier un peu long en prenant de votre temps précieux. La gravité du contenu d’un texte qui va prochainement être soumis au vote des sénateurs me conduit à cette démarche. Je vous remercie de me transmettre votre position à ce sujet et d’interpeller le gouvernement lors de questions écrites, si vous l’estimez utile.

La proposition de loi citée en référence prévoit :

Article 94 A (nouveau)

Les membres de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires ne peuvent être recherchés, poursuivis, arrêtés, détenus ou jugés en raison des opinions qu’ils émettent dans le rapport annuel remis au Premier ministre dans l’exercice de leurs fonctions.

Ce texte instaure ainsi des nouvelles règles d’exception, qui vont à l’encontre des principes essentiels des droits de la défense et, de manière plus générale, des droits de l’Homme et libertés fondamentales.

En tant que citoyenne, libre et disposant de l’ensemble de mes droits, du seul fait que je suis raëlienne, membre d’une minorité spirituelle qualifiée arbitrairement de « secte », je n’aurai plus les mêmes droits que n’importe quel citoyen. Je n’aurai plus la possibilité d’agir et de me défendre si des rumeurs, des propos ou écrits mensongers m’atteignent ou salissent mes convictions.

Après avoir organisé l’immunité des témoins devant les commissions parlementaires sur les sectes[1], des représentants politiques s’apprêtent donc à organiser l’impunité des membres de la Miviludes dont l’existence même et les pouvoirs exorbitants du droit commun contredisent les droits de l’Homme[2].

Si ce texte est définitivement adopté, les membres de la Miviludes pourront diffamer publiquement et impunément des citoyens, sous le seul motif qu’ils sont membres de minorités spirituelles ; la Miviludes pourra continuer à inciter à la haine contre les minorités.

Au vu de la gravité de la situation, vous comprendrez que je souhaite connaître la position que vous prendrez, « en toute conscience », sur ce texte :

-Défendrez- vous l’égalité des citoyens en droits, comme inscrit dans la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ? Si tel est le cas, cela inclut le droit pour tout citoyen de pouvoir agir en justice et demander réparation des dommages causés.

-Ou allez vous entériner ce texte et choisir de baîllonner les victimes de rumeurs, de calomnie, de les faire taire lorsqu’elles veulent rétablir la vérité ? Le silence imposé aux victimes, le silence de la justice et l’impunité n’ont-elles pas déjà été des alliés redoutables dans les pires périodes de l’histoire ? [3].

Profondément attachée aux Droits de l’Homme, il est une valeur qui est essentielle à mes yeux : toute personne est responsable de ses actes et s’engage à en réparer les conséquences.

Le fait de se retrancher derrière une fonction pour enfreindre les droits de l’Homme est la porte ouverte à toutes les dérives possibles. Il ne s’agit pas là de dérives sectaires mais de dérives organisées par l’Etat et pouvant couvrir des actes graves ! La Miviludes a fait preuve de partialité dans des avis et rapports, la protéger nuit aux libertés individuelles et à l’intégrité physique de certains de vos concitoyens, menacés, insultés, haïs …

Je souhaite clairement savoir si vous approuvez que les conséquences dommageables provoqués par cet organe restent impunis.

Espérant vous lire très prochainement, je vous adresse mes cordiales salutations.

Lisiane FRICOTTE

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[1] La loi n° 2008 -1187 du 14 novembre 2008 dite loi Accoyer, relative au statut des témoins devant les commissions d’enquête, vise à créer une immunité des témoins qui interviennent exclusivement à charge, à la demande des commissions d’enquête sur les sectes. Ceci apparait explicitement dans les débats parlementaires (voir Assemblée nationale document n° 325, enregistré le 24 octobre 2007 et Sénat, 10 juin 2008).

[2] Voir notamment, le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion et de croyance dans son rapport de mars 2006 qui a relevé de graves atteintes aux droits de l’Homme et demandé à la France de mettre fin à la stigmatisation des minorités, liée à la création d’une liste noire en 1995. Ce rapport rappelait un principe de base : nul ne peut être jugé que par le canal judiciaire. Que s’est il passé depuis ? Deux textes (l’un publié, l’autre en cours) permettent de porter des accusations sans que les personnes qui en sont victimes n’aient la moindre possibilité de se défendre.

[3] La loi du 27 août 1940 a abrogé le décret loi Marchandeau du 21 avril 1939, qui permettait de poursuivre en cas de diffamation ou d’injure envers un groupe de personnes appartenant à une race ou une religion déterminée. La loi a par ailleurs amnistié les personnes poursuivies. Cette loi a ouvert la porte aux crimes perpétrés durant cette période contre les juifs.