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Education à la sexualité : Lettre à la Ministre de la Culture en France


20 nov., 2020
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Dans le cadre de sa campagne de sensibilisation pour l'éducation à la sexualité dès l'enfance et du SexEd Day, un courrier a été adressé à la Mme Bachelot rappelant l'importance de faire face au tabou du corps dans des lieux destinés à ouvrir l’esprit.

Chère Madame la Ministre de la Culture,
Chère Madame Bachelot–Narquin,

Vous avez récemment défendu la diffusion du long-métrage « Mignonnes » « au nom de la liberté de création, pilier essentiel de la vie démocratique ». Vous avez souligné l’importance de « nourrir un débat apaisé fondé sur des lectures éclairées de l’œuvre ». Permettez-moi de saluer cette courageuse prise de position exprimée suite aux critiques faites aux États-Unis.

De telles réactions conservatrices sont loin d’être isolées, encore aujourd’hui. Et ce, y compris en France car des faits récents montrent que la situation n’est pas non plus glorieuse dans la « patrie des droits de l’homme ».

De la liberté de création à la liberté « tout court » il n’y a en effet qu’un pas ou qu’un morceau de tissu, comme le montre l’actualité récente. Ainsi, l’accès au musée d’Orsay a été refusé cet été à une femme en raison de son décolleté.

Il y a un an, ce sont des statues de nus exposées au siège parisien de l’UNESCO qui ont été vêtues de cache-sexes durant des visites officielles de la Journée du patrimoine. Cette censure a bien été confirmée par la directrice de l’Unesco (et qui fut aussi ministre de la Culture et de la Communication).

Toutes ces situations sont une parfaite illustration de nombreuses atteintes à la liberté, liées au puissant tabou du corps et ce, dans des lieux destinés à ouvrir l’esprit. Ce qui constitue, à mon sens, une contradiction fondamentale. Développement du corps et de l’esprit ne vont-ils pas de pair ?

Pourquoi un décolleté dérange-t-il tant dans un musée où sont exposés des tableaux de nus (« L’origine du monde » de Gustave Courbet ou le « Déjeuner sur l’herbe » d’Edouard Manet) ? Est-ce vraiment la tenue de jeunes filles ou femmes qui est indécente? Ne serait pas certaines injonctions faites aux garçons et filles dès l’enfance qui sont la source des problèmes ?

Concernant précisément le regard porté sur les femmes, vous avez vous-même subi par le passé des critiques sur vos tenues vestimentaires et des remarques sexistes. Vous comprendrez donc aisément les enjeux derrière ces questionnements sur les tenues des filles et plus généralement sur ces nouvelles formes de censure du corps qu’il s’agisse du corps vivant ou du corps représenté, imaginé par l’artiste. En tout état de cause, un long chemin reste à parcourir pour que la beauté du corps humain puisse être exprimée et vécue librement, dans le respect!

Tout comme vous, je considère qu’il est essentiel de saisir toutes les opportunités de débattre de ces sujets afin de permettre des progrès dans l’application de droits essentiels (liberté, égalité, accès à la culture et à l’éducation!) et pour construire une humanité de respect et de paix.

Le Droit à l’Éducation à la Sexualité dès l’Enfance
Coordinatrice de la campagne Internationale de Sensibilisation à l’Éducation à la Sexualité dès l’Enfance et du SexEdDay en Europe, qui s’inscrit parfaitement dans cette démarche d’ouverture, je souhaiterai que les choses avancent enfin. En toute transparence, je précise que des courriers ont été envoyés, sous les précédents gouvernements, à M. Blanquer, Mme Schiappa (joints), sans qu’il soit donné à ce jour une suite concrète. Pourtant, les années passent et force est de constater qu’il est nécessaire de franchir un cap.

Le 20 novembre, date à laquelle se tiendra la 5ème Journée internationale SexEdDay, à l’occasion de la Journée internationale des Droits de l’Enfant, des actions marquantes pourraient se dérouler ou a minima être annoncées si le contexte sanitaire décrété ne permet pas des actions sur le terrain. Cette journée est impulsée par le Mouvement Raélien et son leader spirituel, Raël, qui préconise, dans ses enseignements depuis près de 45 ans, une éducation à la sexualité dans le respect absolu de l’enfant.

Ces deux événements internationaux dédiés à l’enfant sont l’occasion pour nous de demander que tout soit mis en œuvre pour que les principes directeurs émis par les experts de l’UNESCO en 2009, conformes à ces enseignements, soient enfin appliqués, ainsi que les recommandations de l’OMS (vous trouverez ci-joint des explications dans les courriers déjà adressés au Ministre de l’éducation, à la Secrétaire d’État à l’égalité).

Une institution comme l’UNESCO, qui prône le développement de l’éducation complète à la sexualité comme outil pour promouvoir l’égalité femmes-hommes, a un rôle essentiel dans le développement de ces directives. Et, à ce titre, il est important qu’aucune pression religieuse rétrograde ne soit prise en considération : cela vaut pour l’art et aussi pour l’éducation et la mise en œuvre de ces principes.

Et pourquoi d’autres lieux culturels, symboliques, comme précisément le Musée d’Orsay, ne prendraient-ils pas aussi leur part à cette campagne ? Une manière de faire amende honorable de manière constructive plutôt que d’occulter ce qui s’est passé récemment en parlant d’« incident ». Pourquoi pas créer sur ce thème de l’éducation complète à la sexualité un escape game au Musée d’Orsay ?

Il s’agit d’offrir le choix pour des enfants et adolescent-e-s en devenir d’apprendre à disposer de leur corps (respect, consentement, liberté), et donc de développer des politiques éducatives, culturelles, sociales, allant dans ce sens. Il s’agit aussi, et tout particulièrement dans cette période, de réhabiliter la dimension plaisir !

Allons-nous sombrer dans une société dictée par des valeurs rétrogrades, ignorantes des progrès et des connaissances scientifiques qui mettent l’accent sur l’importance des apprentissages déculpabilisants ou allons-nous prendre enfin en considération les bienfaits d’une éducation tournée vers le respect de soi, de son corps, le respect des autres, le respect des diversités et des orientations sexuelles ?

Espérant que cet appel entrera en résonance avec la passion que vous portez à l’art et à l’Humain dans toutes ses dimensions, je souhaiterai vous présenter mon point de vue de vive voix sur ce sujet important.

Je me tiens à votre disposition, cette journée du 20 novembre ou préférez vous après le 10 décembre ?
Dans l’attente de vous rencontrer, je vous prie d’agréer, Madame la Ministre, mes sentiments les meilleurs.

Lisiane Fricotté
M.A., Juriste en Droit Social, Droits de l’Homme et Libertés Publiques
Coordinatrice de la Campagne Internationale de Sensibilisation à l’Éducation à la Sexualité dès l’Enfance et du SexEd Day en Europe